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Le mensonge chez l’enfant : un passage obligé ?

Dans la nature, plusieurs exemples de camouflage et de tromperies sont observables. Que l’on pense aux caméléons ou aux espèces qui prennent la forme et la couleur de leur environnement, comme certains hippocampes….Par l’apparence de leur organisme, certains animaux cherchent à se protéger ou à obtenir un bénéfice, comme celui de se nourrir. Il y a là des similitudes avec le mensonge humain. Par ailleurs, l’espèce la plus douée pour faire des tromperies et des imitations est, sans l’ombre d’un doute, le genre humain (1).

Les mensonges commencent très tôt du côté des enfants. Des recherches récentes prouvent l’apparition de mensonges chez environ le quart des enfants de 2 ½ ans (1). Le premier mensonge de l’enfant signale la présence de capacités cognitives élaborées. Pour mentir, il faut entre autres :

  • Percevoir que les autres possèdent des croyances, des intentions, des émotions et des connaissances
  • Comprendre qu’on a le pouvoir d’influencer les croyances des autres en mentant
  • Déployer les conduites requises dans ce but
  • Se contrôler et inhiber les comportements, attitudes, paroles qui dénonceraient celui qui ment (capacités de contrôle et d’inhibition)
  • Se souvenir de son mensonge pour ne pas se trahir (mémoire)

Ce n’est pas peu dire !

En fait, quand l’enfant prend conscience de lui-même comme un être séparé, différent des autres, quand il perçoit ce qui lui plaît qui peut être différent de ce qui plaît aux autres, quand il se libère progressivement de la fusion et de la symbiose qui le relient à ses parents, quand il prend une distance et qu’il cherche à s’affirmer comme être unique, bref, quand il prend conscience de son existence en dehors de l’autre, il peut mentir. C’est comme un passage obligé…..

  • Pour éviter de déplaire et assurer sa protection contre la déception, l’impatience, le désaccord de l’autre
  • Pour éviter d’être grondé
  • Pour donner une bonne image de soi, se sentir important
  • Pour obtenir un avantage quelconque
  • Pour camoufler une réalité qui fait mal, échapper à une situation physique ou psychologique inconfortable

Les psychologues appellent ce type de mensonges « les mensonges égoïstes ».

Mais il y a un autre type de mensonges que les enfants perçoivent quand ils observent les adultes. Ce sont « les mensonges orientés vers autrui » qui sont prosociaux. Ces mensonges servent à protéger autrui en lui évitant une expérience désagréable ou douloureuse. Les enfants peuvent être portés à imiter les adultes et à produire eux aussi ce type de mensonges qui incluent les formules de politesse qui font en sorte que personne ne perd la face. Certains mensonges prosociaux peuvent atténuer ou minimiser des éléments de vérité pour ne heurter personne ou encore éviter un conflit quand la situation est sensible.

Il faut prendre conscience qu’il existe plus de règles sociales pour ne pas offenser les autres qu’il y a de règles pour exprimer à tout instant ses états d’âme, ses avis et commentaires (1). Les enfants captent ces règles sociales implicites et les appliquent dans leurs interactions. Il ne faut donc pas se surprendre qu’ils mentent et qu’ils perçoivent moins négativement les mensonges prosociaux et cela, dès l’âge de 3-4 ans (1). À la fin du primaire, cette tendance se maintient et même que les mensonges prosociaux sont parfois jugés positivement (1).

Par ailleurs, des résultats de recherche démontrent que les enfants mentent davantage dans un environnement autoritaire que dans un environnement démocratique (1). Dans un climat de confiance, la fréquence des mensonges est moindre (1).

Dans la petite enfance, plus l’enfant développe ses habiletés langagières, plus on observera une augmentation de la production de mensonges. Il y aura par la suite une diminution progressive avec l’âge. Vers 7-8 ans, il y a une fréquence importante des mensonges prosociaux. Et vers 10-11 ans, les enfants deviennent d’aussi habiles menteurs que les adultes (1). Ils n’ont aucune difficulté à produire des mensonges prosociaux de politesse, comme les adultes. En vieillissant, l’enfant apprend que mentir dans plusieurs circonstances est un comportement répréhensible et inapproprié mais que, dans d’autres cas, il s’agit d’une conduite souhaitée (1).

Lorsqu’on dit un mensonge, généralement, on ressent une certaine culpabilité en violant les règles de la morale. Ainsi, la fréquence des mensonges décroît avec l’âge, y compris les mensonges prosociaux anodins (1). Probablement que l’on développe des habiletés sociales pour exprimer plus clairement notre avis sans heurter personne. Nous appartenons à une espèce sociale. Notre survie individuelle et collective implique des habiletés de coordination, de coopération et de communication avec nos semblables. D’où la présomption d’honnêteté requise dans nos rapports sociaux. Heureusement, le mensonge est moins fréquent que l’honnêteté (1).

Comment communiquer les valeurs d’honnêteté et d’authenticité à nos enfants ?

  • Dans nos paroles, nos attitudes, nos gestes, nos choix, devenir un modèle inspirant pour les enfants. Communiquer les avantages de ces valeurs (la confiance, la fidélité, le réalisme, la crédibilité, l’intégrité, la sécurité, etc.)
  • Dédramatiser le mensonge. Ne pas se laisser emporter par l’émotion. Éviter de dire : « Je perds toute confiance ! ». Demeurer calme.
  • Aider le jeune enfant à faire la différence entre l’imaginaire et la réalité.
  • Verbaliser les désirs, les besoins, les émotions derrière le mensonge. « Tu aimerais…. », « Tu souhaiterais que cela se soit passé ainsi! », « C’est vrai que cela aurait été plaisant si… »
  • Tenter de comprendre les raisons du mensonge de l’enfant. Chercher avec l’enfant des solutions pour combler le besoin ou le désir.
  • Orienter l’enfant vers la réparation de son erreur plutôt que l’aveu forcé de sa faute. Éviter d’acculer au pied du mur. Laisser une marge de liberté.
  • Encourager les efforts pour être honnête. Devant tout progrès, énoncer votre appréciation.
  • Éviter d’étiqueter : « Tu es un menteur! ». Distinguer la valeur de la personne de son comportement. Rassurer l’enfant sur l’estime qu’on lui porte. Sauvegarder sa dignité en tout temps.
  • Utiliser l’humour : « Est-ce pour rire ou pour de vrai? ». Jouer le jeu du plus gros mensonge ou le jeu du détecteur de mensonge.
  • Lire des livres d’enfants où il est question du mensonge et discuter avec l’enfant des conséquences du mensonge :
    • Delphine Huguet, Les mensonges, Éditions Milan, 2019.Livre pour enfants qui présente différents types de mensonges.
    • Madonna, Les pommes de M. Peabody, Éditions Scholastic, 2003.Il est dit dans cette histoire qu’un mensonge peut faire de la peine et devenir beaucoup plus gros qu’on le voudrait.
    • Le Roi Lion. Simba ment à sa mère pour aller au cimetière des éléphants. Il s’attire alors des ennuis et cela finit par faire de la peine; ce qu’il ne voulait pas.
    • Jean de la Fontaine, Les fables de Jean de la Fontaine, Le loup devient berger. Le loup a menti en disant qu’il était berger pour obtenir plus de moutons mais cela n’a pas fonctionné.

Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation

Référence :

Xavier Seron, Mensonges!, Éditions Odile Jacob, 2019.

 

 

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