ARTICLE
La cyberdépendance, ça ressemble à quoi?
L’avènement des technologies dans nos vies depuis quelques décennies a amené son lot de points positifs : communications plus rapides et faciles, diversité des passe-temps et loisirs, amélioration des apprentissages, ouverture sur le monde, etc. Toutefois, au fil de ces années, une nouvelle problématique a vu le jour : la cyberdépendance. Elle n’est pas encore officiellement reconnue par les grandes instances médicales (comme le DSM 5) mais est en voie de le devenir.
Ce sujet touche plus particulièrement les enfants et les adolescents, parce qu’ils viennent d’une génération où ils sont nés avec une souris d’ordinateur dans les mains. En tant que parent, ou grand-parent, il est parfois difficile de trouver le juste milieu, car on ne connaît pas encore toutes les conséquences néfastes que peuvent amener les technologies dans notre vie.
C’est quoi être cyberdépendant?
La cyberdépendance est définie par « une utilisation persistante et récurrente des technologies ou des moyens de communication offerts par Internet qui engendre des difficultés chez l’individu. La cyberdépendance amène un sentiment de détresse, et des problèmes au niveau psychologique, social et professionnel » (Caplan, 2002; Young, 1998, 2004).
Voici les 4 composantes qui déterminent si l’usage des technologies est problématique ou non (Block, 2007; Beard et Wolf, 2001) :
- l’utilisation excessive ;
- l’état de manque : la personne ressent de la colère, de la tristesse, de l’irritabilité, de l’anxiété lorsqu’elle n’utilise pas les technologies ;
- tolérance : la personne a besoin de plus en plus de temps passé sur Internet pour être satisfaite, besoin de plus de matériel pour jouer, etc. ;
- conséquences négatives : l’utilisation excessive des technologies amène des impacts négatifs dans plusieurs sphères de la vie (professionnelle, personnelle, sociale, etc.).
Comment ça se manifeste chez l’enfant ou l’ado?
Les enfants et les adolescents sont plutôt concernés par les jeux en ligne ou les consoles. Ces jeux impliquent généralement d’autres joueurs d’ici ou d’ailleurs dans le monde.
Sur le plan physique, l’enfant peut ressentir de la sécheresse visuelle (trop longtemps devant un écran), des maux de tête récurrents, des maux de dos ou dans les mains (toujours assis et manipulation de la souris, de la manette ou du clavier qui amène des douleurs), une modification de son cycle de sommeil (insomnie, nuits blanches, etc.) parce qu’il joue tard la nuit ou tôt le matin, une modification dans son alimentation (saute des repas, alimentation de moindre qualité) parce qu’il ne veut pas perdre du temps de jeu, ainsi qu’une hygiène corporelle négligée, encore ici parce qu’il ne prend pas le temps de se laver.
Sur le plan psychologique, l’enfant peut présenter des pensées obsédantes par rapport à son jeu, de l’irritabilité, de la colère ou de l’anxiété quand il ne joue pas, de l’euphorie ou un sentiment de bien-être important lorsqu’il joue, une diminution de ses résultats scolaires, des mensonges quant à l’utilisation de l’ordinateur ou de sa console de jeu, des dépenses excédentaires concernant le téléchargement ou des frais de jeu, et des difficultés relationnelles et familiales.
Les jeux vidéo sont souvent une source de conflit à la maison… je m’inquiète
Ce n’est pas parce qu’il y a des conflits ou des crises à propos du temps passé à l’ordinateur ou sur la console que l’enfant est cyberdépendant. Un enfant va toujours chercher à négocier le temps permis pour jouer, c’est naturel. L’important est qu’il y ait des limites claires et strictes quant à l’utilisation des technologies.
La cyberdépendance n’apparaît pas du jour au lendemain. Votre rôle en tant que parent ou grand-parent est de superviser le temps de jeu et de ne pas permettre trop de passe-droits qui pourraient éventuellement mener à une cyberdépendance. Même s’il reste du temps libre dans l’horaire de la journée, il est souhaitable que l’enfant ou l’ado fasse autre chose que de jouer en ligne. Des passe-temps et des loisirs tels que le sport, la lecture, les arts, la musique, etc. doivent rester prioritaires.
Il faut savoir que pour beaucoup d’enfants et d’ados, les jeux en ligne sont une occasion de socialiser. En effet, ils sont en contact de façon régulière avec les mêmes personnes. Toutefois, l’avatar, soit le personnage qu’il représente dans le jeu, ne doit pas lui servir de masque. En effet, lorsqu’une personne devient cyberdépendante des jeux vidéo, elle en vient à mieux se sentir dans la peau de son personnage que dans la réalité. C’est ce qui devient dangereux, puisque ce sentiment de bien-être encourage la personne à jouer plus souvent et plus longtemps, et prend de plus en plus de temps avant d’être ressenti. C’est ce qu’on appelle la tolérance. Votre enfant a besoin de plus de temps de jeu, de plus d’accessoires, etc. pour atteindre le même niveau de satisfaction.
Je crois que mon petit-enfant est cyberdépendant ou en voie de l’être… que faire?
La première chose à faire est d’encadrer le temps de jeu. Le site https://cyberdependance.ca/comment-decrocher/ propose plusieurs solutions pertinentes qui aideront tranquillement l’enfant à décrocher : utiliser des alarmes quand le temps de jeu est terminé, placer l’ordinateur ou la console à un autre endroit afin que ce soit moins tentant d’y jouer, accompagner l’enfant dans la découverte de nouveaux passe-temps et de nouveaux loisirs, encourager les contacts sociaux en personne, diminuer graduellement le temps de jeu en se fixant des objectifs réalistes ( ex. : diminuer de 30 minutes par soir la première semaine, une heure par soir la deuxième semaine, etc.).
Le site nommé plus haut présente aussi des moyens pour prévenir la cyberdépendance (https://cyberdependance.ca/comment-prevenir/), tels que des logiciels de surveillance sur l’ordinateur ou le téléphone.
N’hésitez pas, avec ses parents, à aller chercher de l’aide auprès du CISSS/CIUSSS de votre région, au privé ou auprès de votre PAE pour vous soutenir dans l’accompagnement de votre petit-enfant. Il est normal que des changements de la sorte déclenchent des crises, et un support externe peut être très aidant, pour vous et votre enfant.
Références :
- Beard, K. W. et Wolf, E. M. (2001). Modification in the proposed diagnostic criteria of internet addiction. CyberPsychology& Behavior, 12, 21-27.
- Block, J. J. (2008). Issues for DSM-V: internet addiction. Am J Psychiatry, 165, 306-307.
- Caplan, S. E. (2002). Problematic Internet use and psychosocial well-being: development of a theory-based cognitive-behavioral measurement instrument. Computers in Human Behavior, 18, 553-575.
- Sergerie, Marie-Anne, « Cyberdépendance ». Marie-Anne Sergerie, Ph.D. psychologue [En ligne]. Cyberdependance.ca (page consultée le 14 août 2018).
- Young, K. S. (1998) Internet addiction: the emergence of a new clinical disorder. CyberPsychology and Behavior, 1(3), 237-244
- Young, K. S. (2004) Internet addiction: a new clinical phenomenon and its consequences. American Behavioral Scientist, 48(4), 402-415.