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Quand la mémoire vieillit

Ma douce grand-mère a eu quelques temps difficiles dernièrement. À 73 ans, on peut clairement la qualifier de personne super en forme : elle s’adonne au vélo durant l’été en se fixant comme objectif de dépasser le kilométrage de l’année précédente, pour un total de près de 2000 km de mai à septembre! L’air fier, elle respecte les règles de sécurité d’usage, porte un casque, s’arrête lorsqu’elle est fatiguée et s’habille en conséquence de la température. Pour elle, une journée sans vélo, c’est une journée perdue ou, à tout le moins, bien triste.

L’hiver, c’est pareil sauf qu’elle chausse ses skis de fond et range son vélo au garage. Elle part avec sa voiture et se rend derrière la polyvalente du coin pour y faire plusieurs tours de piste. Vous aurez compris que l’objectif kilomètre est encore présent. À l’hiver 2018-2019, elle a parcouru près de 250 km.

Récemment, elle avait des étourdissements, elle échappait des objets et se sentait faible tout d’un coup. Ne sentant pas le besoin d’inquiéter ses proches, elle a attendu. Quelques jours, puis quelques semaines. Et maintenant, elle a droit à la batterie de tests la plus complète pour essayer de trouver ce qui se passe dans son corps d’athlète qui ne brille plus comme au jour de ses 50 ans.

Elle en perdait des petits bouts il y a quelques semaines, mais maintenant, on dirait que les bouts qui s’en vont de sa mémoire s’additionnent au fur et à mesure que le temps passe. Je redoute bien fort que cette grande maladie qui paralyse la mémoire ne l’ait envahie. J’espère aussi me tromper, car bien que ce soit parfois drôle d’oublier le nom d’un docteur et de jouer aux devinettes pour retrouver son nom en s’esclaffant par la suite quand les lettres sont inversées, c’est vraiment moins drôle quand on oublie un prénom, une personne ou un évènement heureux à venir.

Grand-maman, puisses-tu garder en toi toute la richesse que ta famille représente à tes yeux. Te souvenir par les rides sur ton visage à quel point tu as souri et t’es esclaffée quand tu te faisais battre aux cartes. Puisses-tu regarder tes doigts fatigués avec reconnaissance de toutes les pâtes à tourtière et à tarte que tu as roulées et aussi tous les menus tellement délicieux qui ont fait de toi une cuisinière hors pair. Remercier tes jambes pour toutes les épreuves qu’elles t’ont aidée à porter et pour tous les kilomètres que ta route aura croisés.

Et peu importe mon nom, qui je suis et où j’irai, j’aimerais que tu continues de me croire quand je te dirai que je t’aime en t’embrassant sur la joue et en te serrant bien fort dans mes bras. Car bien que ta mémoire puisse parfois te faire oublier l’univers, puisse-t-elle te faire sentir en ce moment présent à quel point tu es aimée, grand-maman d’amour.

La plume d’Andrée-Anne

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