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Solitude chez les aînés : mythes et réalité
En janvier 2017, Theresa May, la première ministre du Royaume-Uni, nommait une « ministre de la Solitude » au sein de son gouvernement pour contrer l’isolement social des personnes âgées. Devrions-nous conclure que la solitude, avec son visage misérabiliste, est un problème étendu, voire un fléau chez les aînés?
La chercheuse et professeure Michèle Carpentier dévoilait, lors d’une conférence à l’amphithéâtre Groupe Maurice, les résultats d’une étude récente qu’elle a menée auprès de 43 personnes âgées sur la solitude des aînés. Accompagnée pour l’occasion par Madame Caroline Sauriol, directrice générale des Petits Frères, les deux conférencières au ton bienveillant ont apporté nuances et stratégies sur ce sujet délicat qui en effraie plusieurs.
Solitude choisie versus solitude imposée
Madame Carpentier précisait d’entrée de jeu qu’il y a plusieurs types de solitude et qu’elles n’engendrent pas toutes une souffrance. Il y a une différence entre « vivre seul », « être seul » ou « se sentir seul ». Le mode vie dominant au Québec est le mode solo : de plus en plus de personnes vivent seules plutôt qu’en couple ou en famille. Et le phénomène devient encore plus présent chez les femmes, les personnes âgées et les citadins. Or, plusieurs aînés qui participaient à l’étude de Madame Carpentier rapportaient aimer vivre seul. Ceux-ci avouaient sortir pour rencontrer des amis, participer à des activités, et être heureux de revenir seuls à la maison, leur antre de paix et de ressourcement. Ici, on parlera bien sûr d’une solitude choisie.
Chez d’autres participants par contre, leur solitude était perçue comme imposée et ils disaient qu’ils étaient seuls. En vieillissant, plusieurs facteurs sociaux contribuent de manière progressive à être plus esseulé qu’avant : perte d’un conjoint(e) ou d’ami(e) s, déclin de sa santé physique ou cognitive, déménagement ou encore éloignement géographique des enfants, entre autres. Bien que cette solitude ne soit pas choisie, Madame Carpentier nous disait que ces personnes ne souffrent pas continuellement. Le sentiment d’être seul est plutôt occasionnel et modéré. Pour certains, il pèsera plus au cours de l’été, qui leur rappelle les vacances en familles. Pour d’autres, le temps des fêtes éveillera ce sentiment d’abandon.
Enfin, il y a les participants à l’étude qui rapportaient se « sentir seul », même s’ils étaient entourés d’un(e) conjoint(e) ou d’un réseau social. Dans ces circonstances, les liens sociaux étaient perçus comme non significatifs et ne répondaient pas aux besoins de ces personnes.
On constate donc que chacun fait une évaluation différente de sa solitude. Pour un même réseau, une personne peut se sentir entourée, pendant qu’une autre se perçoit comme isolée.
Si une personne se sent seule, des actions doivent être prises. Plusieurs recherches concluent à l’importance d’avoir un réseau social fort et signifiant pour maintenir sa santé physique et cognitive.
Quoi faire?
Les spécialistes mettent en lumière quelques pistes d’intervention pour apprivoiser la solitude, parmi lesquelles :
- Prendre un jour à la fois
- Se connecter sur une de ses passions, un loisir ou un intérêt qu’on aime développer
- Prendre le téléphone, se brancher sur l’Internet pour rester en contact avec son entourage
- Avoir un animal de compagnie
- Faire du bénévolat, donner de son temps pour les autres
- Prendre le temps de se recueillir (ou de prier si cela fait partie de vos habitudes) en pensant à la personne perdue lorsqu’on vit un deuil
Au cours de ces échanges, la chercheuse a pu également noter qu’un type de solitude était très présent, mais recevait peu d’attention : la solitude affective/amoureuse. Plusieurs s’ennuyaient d’avoir un confident, un ami proche avec qui échanger et partager des moments tendres, voire intimes. Si plusieurs femmes désiraient avoir ce type de relation, elles exprimaient cependant le désir de ne pas vivre au quotidien avec leur compagnon, alors que les hommes préféreraient avoir une compagne qui vit avec eux.
Solitude ou isolement?
Il arrive que certaines personnes épuisent toutes leurs ressources et n’arrivent plus à repousser la solitude. Elles diront être habitées par un sentiment de crainte et de souffrance ou encore auront l’impression de « se sentir morts » avant l’heure.
Afin de permettre aux 75 ans et plus de vivre les dernières années de leur vie dans un climat rassurant, les Petits Frères ont créé plusieurs services dont le populaire jumelage : une fois semaine, un(e) bénévole rend visite à un(e) aîné(e). Le bénévole s’engage pour un minimum d’un an créant ainsi un réel lien qui ira au-delà du « Comment ça va » ou du « Il n’a pas fait beau ces derniers jours »! La qualité de ces rencontres permet ainsi à la personne visitée de penser à quelqu’un, d’avoir hâte de le revoir, de se préparer pour le rencontrer. Ces visites peuvent se faire autant à domicile qu’en résidence ou en CHSLD.
Il va sans dire que ces rencontres sont aussi bénéfiques pour le bénévole et surtout qu’il suffit d’une seule personne signifiante pour redonner du sens à la vie.
Par Michèle Sirois, collaboratrice à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, et Animatrice à Ère Libre, MAtv
Personnes citées dans l’article :
(1) Michèle Carpentier, professeure titulaire, Chaire de recherche sur le vieillissement et la diversité citoyenne, École de travail social, UQAM
(2) Caroline Sauriol, directrice générale, Les Petits Frères
Rédaction :
Groupe Maurice
Mise à jour : 1 février 2019
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